– – – version légèrement complétée le 9 août 2015 – – –
Pour une fois c’est moi qui écris. C’est grand-papa qui m’y a incitée. Comme je lui racontais les propos croustillants que Laura m’avait tenus alors que nous étions seules toutes les deux, il a trouvé intéressant que je les raconte sur le blog.
Or, pour justifier le titre de cette petite chronique, je me dois de revenir quelques jours en arrière, quand nous gardions les 4 enfants Gigon.
Dimanche soir, Pauline et Vincent allaient au resto avec Philippe. Nous sommes donc allés aux Vieilles-Oeuches vers 19h. Après avoir joué un moment avec nos 4 loulous, nous avons procédé aux rites du coucher, par ordre de grandeur. Les bébés en premier, Robin ensuite à qui j’ai dû promettre, qu’une fois lavé et dans son lit, il aurait droit à son histoire préférée.
Enzo, lui, avait l’autorisation de rester un peu plus longtemps avec nous. Grand-papa lui proposa une partie de UNO et une autre d’échecs.
Tout était calme dans la maison. Les bébés et Robin n’avaient pas demandé leur reste, fatigués qu’ils étaient par une journée intense. Seule Céleste se manifesta, un peu plus tard, par quelques pleurs. Vite consolée dans mes bras elle se rendormit rapidement.
L’heure avançait. Il était déjà tard quand grand-papa sonna la fin des parties d’échecs et le départ pour la salle de bain.
Alors qu’il redescendait propre de la tête au pied, Enzo se précipita sur moi et se blottit dans mes bras.
Instant béni. Surtout ne pas bouger au risque de tout casser. Je l’enveloppe de mes bras, je le serre et le câline. Je ferme les yeux pour apprécier ce moment privilégié. Je lui fais des petits massages dans le dos, je lui raconte des histoires de guêpes capturées. J’utilise tous les moyens pour que ce moment dure une éternité. Enzo a enfoui sa tête dans mon cou et ne bouge pas une oreille ; il semble apprécier ces moments de douceur.
Les parents furent bien étonnés de constater que leur fils était encore debout. Mais ils acceptèrent sans problème qu’il puisse rester encore un moment auprès de nous.
Le privilège de consacrer quelques instants à un seul de ses enfants me paraît indispensable. L’histoire qui suit en est l’exemple.
* * * * *
Mardi matin, vers 9 h30, je suis allée chercher Laura pour passer un moment avec elle. Comme son frère Quentin participait le matin-même au passeport vacances, je lui proposai de faire les courses avec moi.
Nous avons parqué la voiture à la Migros puis nous sommes allées nous balader en vieille ville. Cap en direction du parc des «Prés de l’étang». Laura avait emmené un gros appareil photo hérité de son papa et qui pendait à son cou. Tout en marchant je lui dis:
- Regarde Laura comme il est beau ce parc ce matin. Tout est calme et tranquille.
- Oui, mais c’est pas comme ça quand il y a plein de gosses !
- Viens, il y a un peu plus loin une petite fontaine et des jolies sculptures. Tu pourrais les prendre en photo.
- Non, c’est pas les maisons ni ça que j’aime photographier, mais des personnes, surtout des membres de la famille!
- Oh ben zut! Tu as pris ton appareil mais tu ne vas pas l’utiliser! Il est quand même lourd, non?
- Non il est tout léger.
Nous continuons notre balade et arrivons à la hauteur du bar «le Pépin».
- Quand j’avais 18 ans environ, Laura, je me rendais là avec mes copines, après l’école.
- ….
- Le verre de coca me coûtait 1 franc!
- …
- Veux-tu qu’on aille y boire quelque chose et manger un croissant?
- D’accord !
Nous nous installons sur une chaise de bar, car toutes les tables sont occupées.
- Il est vraiment bon ce croissant, tu ne trouves pas?
- Oui
Laura n’est pas très bavarde. Elle fait une drôle de tête. Me vient à l’esprit l’image de ces fillettes en pré-adolescence, qui passent du rire à la moue et qui donnent l’impression d’être parfois dans un autre monde.
- Tu es triste Laura?
- Non. Mais j’aimerais partir
- Déjà?
- Oui, j’aimerais aller à la Migros
- D’accord. Mais je voulais juste encore te parler de ta première communion. Car nous n’avons pas su répondre à ce que tu nous as dit quand nous étions chez toi. Tu te rappelles?
Je m’étais promis de reprendre cette discussion trop brève que nous avions eu il y a quelques temps. Alors que nous étions allés prendre le café chez Jérôme et que nous parlions de la première communion de Laura qui aurait lieu à l’Ascension, celle-ci nous informa qu’elle n’avait pas du tout envie de la faire. Elle a ajouté qu’elle ne croyait ni en Dieu ni en Jésus.
Etonnements et sourires gênés face à cette révélation. Aurélie a alors pris la parole pour parler de son frère qui était comme Laura mais qui avait finalement accepté de faire cette première communion parce qu’il allait recevoir des cadeaux.
Moi, dans ce contexte, je ne savais pas trop quoi dire et pourtant il me semblait important de reprendre le sujet avec Laura. Il en allait, à mon avis, de la crédibilité de la faire suivre le catéchisme.
- J’ai bien trouvé que nous n’avions pas été à la hauteur quand tu as dit que tu n’avais pas envie de faire ta première communion. Nous aurions dû parler avec toi et t’écouter.
- …
- Dis-moi Laura, tu n’en as vraiment pas envie?
- Non, j’ai pas envie.
- Pourquoi?
- Ça me dit pas.
- Tu sais, de nombreux êtres humains ont une religion. Ils se demandent pourquoi ils sont là, qui a crée le monde …
- C’est le big bang !
- Oui mais avant le big bang ?
J’essaie d’expliquer à Laura le choix que ses parents ont fait de lui faire connaître la religion chrétienne, celle qu’eux-même ont découvert quand ils étaient petits. Mais Laura ne semblait pas du tout intéressée à parler de ça. Elle voulait sortir et aller à-la-Migros. En chemin nous avons admiré quelques belles vitrines. Mais Laura me tirait par la manche car elle voulait aller à-la-Migros !
Nous avons marché main dans la main. Je suis revenue sur la discussion.
- Tu as peur Laura de cette première communion ?
- J’ai peur de plus savoir ma prière.
- Mais ce n’est pas un examen, Laura ! Même si tu oublies ce que tu dois dire ce n’est absolument pas grave.
- Oui je sais. Si j’oublie, je mets mes mains comme ça (elle les joint comme pour prier).
- C’est très bien. Tu sais que ce jour-là, tu mangeras une hostie. Elle est faite avec de la farine et de l’eau. Ça rappelle le pain et je trouve que le goût ressemble un peu à certains cornets de glace ! On fait ce geste en souvenir de Jésus qui avait partagé un repas avec ses amis avant de mourir. C’est juste pour se souvenir de cet homme qui a dit et fait des choses importantes.
Laura ne dit rien mais je sens qu’elle est, cette fois-ci, intéressée. Il me semble que dois aller encore plus loin.
- La première communion c’est pas seulement ça, Laura. C’est le signe du passage de la petite fille à la grande fille. Il est là pour nous montrer que tu as grandi. Tu es maintenant une fille capable de réfléchir et de se poser des questions. On ne fait pas sa première communion à 6 ans ! On la fait quand on peut s’interroger et comprendre certaines choses. Je trouve d’ailleurs très bien que tu te poses des questions sur Dieu. Tu as le droit d’avoir un avis. Cet avis peut aussi changer à mesure que tu réfléchis. Comme on est très content de voir comme tu a grandi, on fait la fête. Cette fête elle est pour toi!
Laura m’écoute avec attention. Elle me paraît plus détendue sur le sujet. J’ose espérer que la catéchiste sait trouver les bons mots pour parler de la communion et qu’elle ne redit pas l’éternel blabla. Malheureusement je n’en suis pas sûre. Au temps du caté de nos enfants, la communion était uniquement centrée sur l’hostie, «corps du Christ». Je regrette d’ailleurs que la formule soit maintenue. Je me refuse de l’utiliser.
Nous voilà à la Migros. Nous entrons par la porte-tourniquet. Subitement Laura me dit:
-
Quand je serai grande je vais me marier. Il faut se marier pour avoir des enfants, grand-maman?
-
Euh…pas forcément. Pour faire un enfant il faut simplement un homme et une femme. Mais je trouve que c’est mieux de se marier, de se promettre d’être fidèles et de s’entraider car c’est une grande responsabilité d’élever des enfants.
Aux rayons des fruits et légumes je choisis une pastèque bio.
- Tu prends toujours du bio grand-maman?
- Je prends beaucoup de bio mais pas tout. Tu sais, c’est cher le bio. Certaines personnes n’ont pas les moyens d’acheter ces produits.
- Tata Pauline, elle achète du bio ?
- Seulement quelques articles. Quand elle faisait les petits pots pour les bébés elle achetait des légumes bio. Mais elle n’a pas suffisamment d’argent pour n’acheter que du bio.
- Elle gagne moins d’argent que nous ?
- Le salaire de tonton Vincent ajouté au sien est moins élevé que celui de ton papa et de ta maman.
- …
- Quand je serai grande je ne ferai pas crêchière !
- Comment ?
- Je veux pas faire le métier de crêchière comme Tata Pauline.
- Ah ! Tu veux dire éducatrice de la petite enfance !
- Moi je veux faire institutrice.
- !!!
Nous passons rapidement devant les divers rayons du magasin et nous arrivons enfin au coin préféré des enfants: le coin jouets.
Après un temps de réflexion elle fait son choix. Mais tout de suite elle s’inquiète de savoir si j’achèterai aussi un jouet à son frère.
Après tout c’est les vacances. Allons-y pour un p’tit cadeau aux 6 petits-enfants !
Laura met un point d’honneur à choisir personnellement leurs présents.
Il y a un monde fou aux caisses. Nous devons être patientes.
Soudain Laura pose sa tête dans mon cou et passe ses bras autour de mon corps.
Je la serre aussi très fort. Je sens son souffle chaud et ses petites mains qui m’enserrent. Moment de bonheur total avec une Laura qui n’est pas pressée de me libérer. Je profite pleinement de ce moment si doux et lui dis comme je l’aime ma grande petite-fille.
- J’aimerais toujours rester avec toi grand-maman.
- Mais tu resteras toujours avec moi.
- Mais quand je serai grande…
- Et bien tu viendras me rendre visite. Et je serai tellement heureuse !
- Oui mais un jour tu vas mourir.
- Oui, ça on ne peut pas choisir. Tout le monde doit mourir un jour. Mais j’espère que ce sera le plus tard possible.