Angoisse – mercredi 10 décembre 2014

Nous sommes le mercredi soir 10 décembre, peu après 19h30. Nous sommes installés devant la télévision, le téléjournal vient de commencer. Soudain le téléphone sonne ; je réponds. C’est Pauline ; j’entends un ou des bruits en arrière-fonds que je ne saurais clairement identifier. Elle me dit :

– Vous pouvez vite venir ? Vite, vite…

L’heure n’est pas aux questions. Je boucle le téléphone, me lève et dis :

– Il faut qu’on aille chez Pauline ; elle nous demande de venir très vite. Je n’en sais pas plus, je n’ai pas d’explications.

Quelques dizaines de secondes plus tard, nous sommes en route. C’est l’angoisse : Que se passe-t-il ? L’imagination aurait tendance à partir au galop, l’ignorance laissant le champ libre pour envisager et craindre tout et le pire.

Arrivant chez eux, nous voyons Pauline dehors, sous la pluie, un des jumeaux dans chaque bras. Robin est aussi dehors, pieds nus. La porte d’entrée est ouverte.

– Enzo est tombé, on ne sait pas ce qu’il a ; Vincent est près de lui. On attend l’ambulance.

Marie-Claire prend Céleste, je prends Malo et emmène Robin à l’intérieur. Pauline reste dehors et guette l’ambulance. Elle va d’ailleurs devoir lui faire des signes, la héler et même la siffler (« Comme elle sifflerait à la patinoire », Marie-Claire dixit), car elle partait chez des voisins.

Robin me dit qu’Enzo est tombé, qu’il est dans sa chambre avec son papa. Je monte, Malo toujours dans mes bras. Enzo est couché sur son lit et pleure. Vincent est penché sur lui et lui parle :

– Enzo, tu sais qui c’est ce monsieur qui vient d’entrer ? Tu l’as vu ? Tu sais qui c’est ?

– C’est Grand-papa.

– Enzo, écoute-moi. Tu peux me dire le nom de tes camarades de classe ?

Enzo commence à citer des noms. Sur ce l’ambulance est arrivée et les ambulanciers (parmi eux, la maman d’un copain de hockey d’Enzo) entrent avec tout leur équipement. Ils sont suivis du Dr Erard, anesthésiste. Ils prennent immédiatement Enzo en charge. Vincent leur explique ce qu’il en est.

Je leur laisse le champ libre et descends au salon auprès de Marie-Claire. Nous portons toujours les jumeaux dans nos bras et essayons de les cajoler, de leur inspirer du calme. Robin a une raquette et une balle de tennis dans les mains ; il erre un peu comme une âme en peine au salon. Il sent bien l’urgence et la gravité de la situation mais n’a pas les mots pour réagir. On essaye de l’attirer vers nous, de le cajoler lui-aussi, mais il ne reste pas longtemps et redescend tout de suite de nos genoux. En réponse à nos questions prudentes, il donne quelques explications sur ce qui s’est passé. Mais c’est plutôt chaotique et inconstant, même quant à dire dans quelle chambre ça s’est passé

– Enzo est tombé ; il s’est fait mal. Mais je ne l’ai pas poussé, il est tombé tout seul.

Au bout d’un moment, les ambulanciers, Enzo et Vincent descendent. Ils vont emmener Enzo à l’hôpital à Delémont afin de le garder en observation pour la nuit. Enzo hurle qu’il ne veut pas y aller, qu’il n’en est pas question, qu’il veut rester à la maison. Et il y est farouchement déterminé, il trépigne, se débat et résiste de toutes ses forces. Fermement ses parents lui expliquent qu’il n’a pas vraiment le choix, que c’est nécessaire pour le soigner et que par ailleurs Vincent va l’accompagner et passer la nuit auprès de lui. Ils s’en vont. L’anesthésiste, juste avant de partir, se veut rassurant :

– Ne vous en faites pas ; qu’il crie et pleure comme ça, c’est plutôt bon signe dans ce cas.

Pendant tout ce temps l’ambulance est restée devant la maison, feux bleus en action… de quoi attirer l’attention de tout le quartier. Une voisine vient même spontanément offrir ses services et proposer son aide. Geste bien sympathique de soutien et de solidarité.

Pauline est bien entendu encore sur des charbons ardents ; elle tourne en rond dans le salon, téléphone, écrit des messages. Elle appelle son frère.

Petit à petit le déroulement des événements se clarifie lentement. Par bribes et morceaux le puzzle se reconstitue et nous parvenons peu à peu à saisir la suite des événements tels qu’ils se sont déroulés.

Enzo jouait à la Wii dans la chambre de ses parents. Il s’est levé et, en voulant sortir de la chambre, soudain est tombé au sol, se tapant la tête contre le mur (où on voit en effet des marques de sang) ; il a perdu connaissance. Vincent s’étant précipité vers lui n’arrivait pas à sentir de pouls. Il a tout de suite pensé à un problème cardiaque. Il a crié à Pauline d’appeler l’ambulance et a commencé un massage cardiaque jusqu’à ce qu’Enzo revienne à lui. Il ‘a alors transporté dans son lit. C’est là que je les ai trouvés.

Ce mercredi après-midi, Enzo était invité à la fête d’anniversaire se sa cousine Laura. En allant le rechercher, Pauline l’a trouvé non pas en train de jouer avec les autres, mais seul à la table en train de dessiner. Elle lui a trouvé un air fatigué. Elle apprend alors qu’au cours de l’après-midi, à un moment donné, Jérôme et Aurélie on trouvé Enzo couché par terre. Il l’ont installé sur le canapé et quelques minutes à peine plus tard, il jouait au foot dehors avec les autres.

Robin d’ailleurs me raconte qu’allant chercher Enzo, sa Maman l’a laissé seul longtemps avec les jumeaux (J’ai d’abord cru qu’ils étaient resté chez eux, mais en fait, ils étaient restés installés dans la voiture devant la maison à Porrentruy et attendaient que leur Maman revienne avec Enzo).

– Elle a fait long, mais quand elle est revenue avec Enzo, elle m’a dit : Pardon, pardon, pardon, pardon.

Pauline rappelle Jérôme pour en savoir plus sur ce qui passé chez eux. À ce moment-là nous apprenons que pendant quelques instants Enzo répondait « Non, non » un peu mécaniquement, comme dans le vague à tout ce qu’ils lui demandaient (« Comme Quentin quand il pique une crise et dit dit non à tout, sans même écouter ce qu’on lui dit »). En même temps, sa jambe droite avait d’étranges soubresauts. Puis au bout de quelques instants, tout est rentré dans l’ordre.

À ce moment-là, je dis à Marie-Claire puis à Pauline :

– Moi, tout cela me fait penser à une crise d’épilepsie.

– Non, les ambulanciers ont dit que ce n’était pas l’épilepsie, il ne bavait pas.

Elle raconte cela à Vincent par téléphone pour qu’il en informe les médecins.

Nous sommes loin d’imaginer à ce moment-là le souci – pour ne pas dire plus – que Jérôme et Aurélie, ainsi d’ailleurs que Fabien et Sabrina, qui ont été avertis par téléphone, se font pour Enzo. Partis dans la précipitations, nous n’avons pas emmené nos téléphones portables et ne pouvons donc pas répondre à leurs demande d’informations.

Finalement, vers 22h15, après avoir eu quelques nouvelles rassurantes par l’intermédiaire de Vincent (les examens faits à Delémont n’ont rien montré d’alarmant ; le coeur est normal et Enzo va bien, il s’est endormi) nous rentrons chez nous. Sacha, le parrain de Céleste, va passer quelques moments auprès de Vincent. Pauline dit qu’il n’est pas nécessaire que Marie-Claire reste à dormir près d’elle. Peu avant minuit, un message de Vincent nous annonce que les médecins envisagent l’épilepsie…

* * * * *

Le lendemain, après plusieurs examens, le diagnostic est posé : Enzo a fait une (en fait même deux) crise(s) d’épilepsie. Il va passer encore quelques examens, dont un électro-encéphalogramme, et un traitement va être mis en place. Il restera encore à l’hôpital pour cela jusqu’à vendredi.

Jeudi en fin de journée nous pouvons aller lui rendre visite avec ses frères et soeurs dans sa chambre à la pédiatrie de l’hôpital de Delémont.

IMG_1086

Enzo va bien, il n’a pas l’air malheureux sur son lit d’hôpital.

IMG_3844

Sa chute contre le mur de la chambre l’a quand même bien amoché !

IMG_1085

Non seulement il a de quoi se distraire…

IMG_3803

… mais il a même pu commander pour le lendemain un repas qu’il ne voudrait manquer sous aucun prétexte. Quitte à rester jusque dans l’après-midi !

C’est bien l’EEG (électro-encéphalogramme) qui apporte la confirmation du diagnostic.

IMG_3842

Enzo se laisse bien sagement poser toutes les électrodes.

IMG_3841

Pendant la séance, il s’endort, ce qui est justement bienvenu pour le médecin et permet un examen plus complet

IMG_3843

Pas de doutes : en-dehors des crises, Enzo se porte bien !

Quelques jours après, un dernier examen pour confirmer le diagnostic et rassurer : l’IRM.

IMG_3840

C’est bien Enzo qui va passer dans cette impressionnante machine.

Voilà donc comment, soudainement, de nouvelles données viennent imposer leur influence sur la vie au quotidien. Désormais Enzo aura des médicaments à prendre, des examens de contrôle réguliers à passer et à tenir compte de certaines précautions indispensables. Il a troqué son lit en hauteur contre un lit bas (en l’occurrence le grand lit qui était celui de sa maman adolescente). L’avenir se chargera peu à peu de nous apprendre à tous comment faire pour bien faire, pour qu’Enzo mène une vie aussi normale que possible en courant le minimum de risques. Sachant que c’est moins la crise elle-même (si tant est qu’il devait encore y en avoir) qui poserait un problème que plutôt les circonstances dans lesquelles, cas échéant, elle surviendrait.

Voici quelques liens intéressants (à côté de l’incontournable Wikipédia) si vous souhaitez en savoir plus :

Eurekasanté – le fait médical – kidshealth (site québecois) – et surtout (très pratique) ici

Ce contenu a été publié dans divers. Vous pouvez le mettre en favoris avec ce permalien.

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur la façon dont les données de vos commentaires sont traitées.