Laura très tôt s’est mise à parler très bien. (Je n’hésite pas à ajouter – et à l’évidence ce n’est pas du sexisme – : …comme en général toutes les filles.) Le langage structurant la pensée elle a fait dès lors de gros et rapides progrès.
À plusieurs reprises ces dernières semaines ses propos nous ont frappés, amusés ou surpris.
Autour de la gare et des trains
• Un mercredi nous nous promenons à la gare de Porrentruy. Descendant les escaliers du passage sous-voie, nous croisons un fumeur. Laura a juste la taille pour en traverser le nuage de fumée. Sur le moment, elle fait une mine de désapprobation et de dégoût et dit : «Beurk !». Puis elle me demande : «Qu’est-ce qu’il mange le monsieur ? Qu’est-ce qu’il fait avec ce qu’il mange ?»
• Plus tard, nous nous promenons jusque tout au bout du quai, là où il n’y a plus que des gravillons. Voyant au loin les employés CFF de la manoeuvre s’activer près de quelques wagons, elle demande : «Qu’est-ce qu’ils vont dire les momiteurs ?» Puis elle fait mine de les appeler : «Les momiteurs !»
(comme quand elle dit «dessins amimés», c’est une des seules confusions de lettres dans son langage)
• Le 28 octobre, revenant de Boncourt en train, on s’attarde quelque peu sur le quai à Courgenay. Laura regarde la rame dont nous sommes descendus quitter la gare et s’éloigner. Soudain elle s’écrie : «Stupide train, reviens !»
Puis elle ajoute : «J’aime pas qu’y partent, les trains.»
Finalement elle aura l’air plutôt rassurée ou réconciliée quand je lui aurai expliqué que c’est dans la nature des trains de partir, d’aller et venir, que c’est ainsi qu’ils permettaient aux voyageurs de se déplacer.
• Dimanche 3 janvier 2010. Pendant que la famille apprécie le dessert au restaurant, je sors avec Laura et Enzo. On se promène à la gare de Courtételle. Enzo et Laura se précipitent vers la cage transparente chauffée (!?) qui sert désormais de salle d’attente. Ils s’échinent à ouvrir la lourde porte, tirent, poussent, finissent par conjuguer leurs efforts et entrent. Ils courent, sautent, grimpent sur les bancs. Un exemplaire du «Matin Dimanche» est éparpillé sur les bancs et parterre. Ils jouent un moment avec ces feuilles puis ressortent. Laura a emmené le «Femina» qu’elle avait regardé et feuilleté avec attention. Elle le brandit devant elle et m’explique:
«- C’est un joli magazine !» (Remarquez le vocabulaire !)
Petite et grands
• Un jour, à table, on relève un mot d’Enzo et remarque qu’il est compréhensible bien qu’incorrect. Laura rit et du haut de son année de plus nous dit : «Quand j’étais petite, je disais … « egade les po-pom, egade »…» Puis, sans doute en guise d’explication, elle ajoute :
«Je ne parlais pas français.»
• Un matin, alors que nous avions joué un moment dans la chambre, Laura sort de la chambre et vient vers moi :
– Tu as encore une bonne idée, Grand-papa ?
– Une bonne idée pour quoi ?
– Pour jouer.
– Pourquoi, je devrais avoir une bonne idée ?
– Mais parce que tu es grand…
et elle descend les escaliers en continuant d’argumenter, toute à son trip…
• Un jour on regarde Quentin qui s’active par terre avec ses jouets. Laura s’occupe un peu de ses poupées. Tout à coup, à la suite de je ne sais plus quelle remarque ou question, elle nous assure :
«Quand je s’rai grande, j’aurai un grand bébé ; j’aurai un bébé comme Quentin ; j’aurai trois petits Quentin.»
Jeux et mondes imaginaires
• Un matin Laura joue en-haut dans la chambre. Soudain elle descend les escaliers. Comme elle a l’air pressée, je lui demande ce qui se passe.
«Tu sais, Grand-papa, je sors pour l’enquête ; c’est Babar qui cherche ; Rataxès a enlevé la petite Isabelle.»
• Un autre jour, je lui raconte quelques pages de la bande dessinée «La Schtroumpfette» dans laquelle celle-ci cherche un alter-ego. Un peu plus tard, je l’aperçois sur le petit balcon qui regarde en bas vers le jardin. L’air pensive elle me fait :
«Elles sont parties, mes copines ; (petite pause) J’aimerais bien une copine.»
• Après une séquence assez animée de jeu avec son cousin Enzo sur les chevaux à bascule, en réponse à une remarque de Grand-maman les incitant à une certaine prudence, elle se veut rassurante :
«Grand-maman, le petit cheval il doit m’obéir, c’est obligatoire.»
• Au cours d’une jeu, quelque chose ne lui convient pas. Elle gronde : «C’est quoi ce travail ?»
De même, à la fin d’un jeu, elle se montre contente : «Et voilà le travail !»
Compliments
• Aurélie et Quentin viennent de partir ; Laura reste chez nous pour un petit moment. Après le départ de la voiture, elle dit :
«Merci Grand-maman de me garder un peu.»
• Laura est au salon avec nous. Elle constate :
«On est bien dans ta maison, Grand-maman».
Pas bête, la puce…
• 30 novembre 209. Je vais à la poste avec Laura. Tandis qu’on fait la queue, Laura s’intéresse au présentoir des livres. Elle regarde, fouille un peu, compare puis me dit en montrant un des objets en vente :
«Tu vois, Grand-papa, ce qui me ferait plaisir…»
Marlène Eyer, notre voisine qui assiste à la scène relève : «Elle est subtile. Pas de revendication directe, mais une petite remarque qui prend par les sentiments». Tout juste.
• Décorant le sapin de Noël, Laura casse deux boules, mais Grand-mamane en casse trois. Je relève le score en riant. Grand-maman demande alors :
– Tu me grondes, Laura ?
– Je ne pourrais pas.
• Laura est assise à table, installée sur l’une de nos chaises.
– Laura, tu es trop basse à la table pour manger. Tu ne voudrais pas plutôt te mettre à genoux ? Ou prendre la chaise avec le réhausseur ?
– Non, je préfère manger !
Last but not least
17 décembre 2009. Laura et Quentin sont chez nous pour la nuit. Quentin est au lit et dort (ouf !). Laura s’active. Nous lui recommandons de ne pas faire trop de bruit par égard pour son frère. Soudain, patatras, elle fait du bruit ; quelque chose qui tombe et dévale les escaliers. Depuis le bas j’élève la voix et lui dit : «Laura, fais moins de bruit !».
Quelques instants plus tard, elle descend au salon vers Grand-maman et lui dit en geignant :
«Grand-papa, il a crié ; j’aime pas quand il crie.»
Puis elle ajoute : «Je veux aller demander à Grand-papa de faire moins de bruit en criant.»
Elle descend me rejoindre et me dit : «Grand-papa, tu fais trop de bruit quand tu cries fort. Tu vas réveiller Quentin !»
Quand l’hôpital se moque de la charité…
Grâce à ce blog, nous découvrons des bons mots que nous n’avions encore jamais entendu !
Ils sont quand même trop marrants quand ils commencent de parler, ces enfants !